Tous bandits d'honneur

« A 10h, nous entrons à Ajaccio au milieu des acclamations. Des drapeaux surgissent de chaque portail. Le cortège se transforme en une irrésistible marée humaine ». Maurice Choury : Tous bandits d'honneur !

Avant d'entrer à la préfecture pour procéder à la destitution du préfet de Vichy, au nom du Comité départemental du Front National, Maurice Choury, juché sur le toit d'une ambulance, proclame le ralliement de la Corse à la France libre et lance l'ordre d'attaque contre les Allemands :« Patriotes de Corses, aux armes contre Hitler ! Soldats italiens, avec nous contre l'ennemi de l'Europe ! » et il conclut : « Fiers d'être le premier département français libéré, nous marcherons vers la libération totale de la patrie et alors je vous le dis, l'Aigle volera à nouveau de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame ».

Les délégués du Front national pénètrent alors dans la préfecture. Ils en ressortent un quart d'heure après, l'insurrection a triomphé. Le Comité départemental du Front National est institué en Conseil de préfecture. Un Conseil municipal d'Ajaccio est élu et avec lui la première femme élue en France : Renée Périni, épouse de Pierre Pagès et sœur de Danielle Casanova.

Les patriotes, qui avaient libéré Bastia une première fois, subissent trois semaines d'occupation hitlérienne jusqu'au départ des derniers Allemands le 3 octobre 1943.

Du Sud au Nord, les combats font rage, à Casamozza, Barchetta, Folelli, Saint­Pancrace, Arena, Silvareccio, Piano, Pietroso, Aleria, dans le Fiurn'Orbo, au défilé de l'Inzecca, au col de l'Ospedale, et aux portes même de Sartène. Partout où se présente l'Allemand, les routes sont coupées et les barrages défendus âprement par les patriotes, parfois secondés par des Italiens du régiment du Colonel Giani Canioni.

Le 18 septembre, le Général Martin donne ordre au bataillon de choc d’entrer au contact de l’ennemi, ce qui sera réalisé à partir du 20 septembre à Sotta, du 21 à Conca, du 22 dans la plaine d’Aleria, du 28 en Casinca… Avec l'appui de Goumiers marocains qui se sont particulièrement distingués lors de la bataille du col de Teghime, ils entrent dans Bastia, que les Allemands ont évacuée en abandonnant quantité de matériel militaire, le 4 octobre. Toute la Corse est libérée.

Le 8 octobre 1943, le Général de Gaulle déclarait à Ajaccio :

« Voyant la chance tourner et l’envahisseur faiblir, les patriotes corses, groupés par le Front National, auraient pu attendre que la victoire des Armées Alliées réglât heureusement leur destin. Mais ils ont voulu eux- mêmes être des vainqueurs (…) La Corse a la fortune et l'honneur d'être le premier morceau libéré de la France ».

Lors des cérémonies du cinquantenaire de la libération, Arthur Giovoni soulignait :

« L'ordre d'insurrection du 9 septembre 1943 ne peut guère se discuter même s'il força la main aux états-majors (…) La libération permit d'éviter bien des morts et des destructions : Le débarquement en Sicile nécessita 13 divisions, 38 jours de combats acharnés et 31000 morts . La Corse fut libérée grâce à moins de 7000 officiers et soldats réguliers (dont 400 américains) et 11700 patriotes (…) L'Histoire retiendra l'élan de tout un peuple dressé contre la tyrannie ».