Inauguration

Allocution d'Isaline Amalric-Choury

Monsieur le Préfet de Corse,
Monsieur le Président du Conseil exécutif de Corse,
Monsieur le Maire d’Ajaccio,
Monsieur le Président de l’Assemblée de Corse,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités civiles et militaires,
Mesdames, Messieurs,

Nous sommes réunis ici à l’occasion du 68ème anniversaire de la libération de la Corse. Beaucoup, sans doute, hausseront les épaules, lassés de toutes les commémorations qu’on leur inflige. Ils auront tort, comme tous ceux qui croient un peu vite que la Corse a été libérée par les américains ou que Bayeux a été la première ville française reprise à l’ennemi grâce au débarquement des alliés. La vérité est toute autre, la Corse a été libérée surtout par des Corses qui se voulaient profondément français et Ajaccio était une ville libre dix mois avant Bayeux.

C’est pourquoi nous ouvrons aujourd’hui une semaine de la résistance intitulée Tous bandits d’honneur à l’occasion de la réédition du livre de Maurice Choury, actuellement sous presse : Une importante exposition, ouverte au public à l’espace Diamant jusqu’au 13 septembre honore l’ensemble des résistants, et le 9 septembre au soir, des lectures de lettres et de poèmes par des jeunes ainsi que la projection du film Tous Bandits d'honneur vous seront proposées.

La 1ère partie de l’exposition, intitulée In Memoriam vous présente le Front national des patriotes, le peuple de Corse à l'oeuvre »

Nous rappelons les hauts faits des grandes figures de la résistance, mais au delà, nous avons souhaité mettre à l'honneur le plus grand nombre possible de patriotes qui sont restés dans l’ombre sans que par la suite leur mérite et leur courage soient reconnus. Non seulement ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie, mais aussi tous ceux qui avec courage et abnégation ont pris des risques pour la libération de l'ile.

Car il en fallait du courage pour être résistant ! quelque soit leur rôle, combattant, agent de liaison, volontaire pour l’hébergement et le ravitaillement des maquisards, ou pour réceptionner et transporter les armes, faire le guet et veiller à la sécurité de tous. Tous risquaient leur vies. Chaque village était un bastion du Front national ; femmes, jeunes et moins jeunes s’employaient sans relâche à déstabiliser l’occupant fasciste. Les femmes accomplissaient avec sang froid, détermination, intelligence, esprit de responsabilité des missions délicates et souvent périlleuses Les jeunes appelaient à manifester contre l’occupant. Ils refusaient l’enrôlement du STO et rejoignaient le maquis.

Ainsi, les patriotes ont fait face à l'ennemi, seuls avec leurs mitraillettes et leurs fusils de chasse contre les colonnes blindées, soutenues le plus souvent par l'aviation. Tous ces héros ont contribué à faire la grande histoire. Il ne faut pas les oublier ! Dans toute la Corse, des stèles, des monuments, des plaques commémorent leurs exploits. Que cet effort de mémoire perdure ! C’est ce que nous avons tenté de faire en présentant cette partie In Memoriam de l’exposition

La deuxième partie de l’exposition, intitulée Maurice Choury, alias Annibal, souligne le parcours du patriote et son rôle crucial dans la libération de l'île.

La résistance corse enregistrant de lourdes pertes au printemps 1943, et la chute de Mussolini entrainant le débarquement de SS à Bonifacio, ont poussé Maurice Choury à passer à l’action : Il écrit à deux reprises aux quatre autres membres du comité départemental pour demander le déclenchement de l’insurrection avec le concours de soldats italiens anti-fascistes : « qu’Alger fasse ce que bon lui semble. Nous avons déjà trop attendu, nous ne pouvons attendre davantage, nous devons partir avec cette idée maîtresse que la libération de la Corse sera l’œuvre des Corses eux-mêmes ».

Le comité départemental, réuni à sa demande, approuve cette nouvelle orientation et décide que l’ordre d’insurrection sera lancé en cas de capitulation italienne. A l’annonce de cette capitulation, le 8 septembre, à 19h30, Maurice Choury, à la tête d’une délégation de combattant, expose au Préfet, qui ne veut rien entendre, les vues du Front National.

Accroché aux grilles de la préfecture, il appelle alors à une manifestation pour le lendemain à 10h. et rédige , dans la nuit du 8 au 9 septembre, l’ordre d’insurrection et les arrêtés préfectoraux proclamant le rattachement de la Corse à la France Libre.

Le 9 septembre à 10h, il entre en ville avec ses compagnons de lutte au milieu des acclamations. Des drapeaux surgissent de chaque portail. Le cortège se transforme en une irrésistible marée humaine. Juché sur une ambulance, il proclame alors le ralliement de la Corse à la France libre et lance l'ordre d'attaque contre les Allemands : Patriotes de Corses, aux armes contre Hitler ! Soldats italiens, avec nous contre l'ennemi de l'Europe. Puis il pénètre avec les délégués du Front national dans la préfecture pour destituer le préfet. Ils en ressortent un quart d'heure après, l'insurrection a triomphé. Et Maurice Choury déclare avec des accents napoléoniens : « Fiers d'être le premier département français libéré, nous marcherons vers la libération totale de la patrie… et alors je vous le dis, l'Aigle volera à nouveau de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame ».

Le 6 octobre 1943 : Dès son arrivée en Corse le Général de Gaulle reçoit Arthur Giovoni, Henry Maillot et Maurice Choury et les félicite : « Vous savez que je ne suis pas expansif… Laissez moi vous dire que ce que vous avez fait est beau ».

Comme l’a souhaité Arthur Giovoni lors de son discours d’inauguration de la rue Maurice Choury à Ajaccio le 7 octobre 1989, nous espérons que « lorsque le temps aura apaisé les passions personnelles et les querelles partisanes, lorsque des historiens sereins auront élagué le folklore et les légendes, les distorsions volontaires ou non, en s’appuyant sur les documents de la clandestinité, la vérité historique se fera jour et retiendra l’immense élan de tout un peuple contre la tyrannie » La résistance Corse n'appartient ni à un homme ni à un parti mais à la Corse toute entière. On comprendra que nous en soyons légitimement fiers.

On ne peut passer sous silence le rôle tenu par les femmes pendant la résistance. Elles ont été nombreuses à s’engager dans la lutte contre l’occupant fasciste que se soit sur notre île ou sur le plan national.

La 3e partie de l’exposition présente donc Danielle Casanova, figure emblématique de la résistance féminine

Elevée au rang d’héroïne nationale en 2009, Danielle Casanova s’illustra par sa conception très moderne du rôle de la femme, par son sens de l’organisation et son courage dans la lutte clandestine et, jusqu’à sa mort, par son esprit de solidarité et de sacrifice.

Elle fit parvenir des lettres à sa mère depuis le dépôt de la préfecture , puis du Fort de Romainville. Comme vous pourrez le constater dans l’exposition, elles sont toutes empreintes d’un extraordinaire courage, d’un élan vital irrépressible, et d’une confiance lucide en l’avenir., comme en témoigne cet adieu avant son départ pour Auschwitz : « N’ayez jamais le cœur serré en pensant à moi. Je suis heureuse de cette joie que donne la haute conscience de n’avoir jamais failli et de sentir dans mes veines un sang impétueux et jeune”.

Des destins comme le sien nous réconcilient avec notre histoire.

Par cette semaine commémorative nous avons souhaité témoigner que cette période de notre histoire douloureuse mais combien exaltante ne tombe pas dans l’oubli. Car nous devons notre liberté au sacrifice de toutes ces femmes et ces hommes qui se sont battus pour défendre les valeurs de la république. Valeurs qui sont malheureusement de plus en plus bafouées de nos jours.

C”est pourquoi nous avons organisé le 9 septembre à 20h30 un spectacle en deux temps. Tout d”abord des jeunes interpréteront des textes évoquant les calvaires de Fred Scamaroni et de Jean Nicoli, le courage de Bonafedi et Milanini, des poèsies et des chants honorant la résistance et les déportés. Dans un deuxième temps, le film Tous bandits d'honneur ! sera projeté.

Je remercie toutes les familles de résistants qui ont répondu à mon appel en envoyant portraits et documents et je tiens à remercier également la ville d’Ajaccio et tout particulièrement M. Simon Renucci, maire d’Ajaccio et son adjointe Anne-Marie Lucciani, ainsi que Marie-Jeanne Nicoli, directrice de la culture et son équipe pour avoir accueilli très chaleureusement ce projet.

Je vous remercie