Discours Place Charles De Gaulle

Discours de M. Kader ARIF, Ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants (Place Charles de Gaulle, Ajaccio, 9 septembre 2013)

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président du Conseil exécutif,
Monsieur le Président de l'Assemblée de Corse,
Monsieur le Maire d'Ajaccio,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Monsieur le Consul d'Italie,
Monsieur le Directeur départemental de l'ONACVG,
Mesdames et Messieurs les Présidents d'Associations,
Mesdames et Messieurs les anciens résistants et anciens combattants,
Chers élèves,
Mesdames, Messieurs,

Je dois vous dire que c'est avec beaucoup d'émotion que je suis aujourd'hui parmi vous pour commémorer le 70e anniversaire du début de l'insurrection corse qui conduisit à la libération de l'île et rendre hommage aux résistants corses, artisans de cette Libération.

Cette Libération, elle survint huit mois avant le débarquement du 6 juin en Normandie et plus de dix mois avant celui qui vit débarquer les forces alliées en Provence, deux événements bien enracinés dans les mémoires.

A l'heure où nous nous apprêtons à commémorer le 70e anniversaire des débarquements, je dois vous dire que la France n'oublie pas la Libération de la Corse.

Premier département métropolitain libéré par l'action conjointe des résistants, des soldats italiens, des troupes de choc et des forces françaises libres, la Corse s'est élevée en modèle pour tout le territoire français.

Il y a 70 ans, la Libération de la Corse a fait souffler un vent de liberté à travers tout le pays. Sa libération, la Corse la doit aux puissants mouvements et réseaux de résistance qui se sont constitués tout au long des années d'occupation.

Sa libération, la Corse la doit au courage et à l'incroyable mobilisation de ses habitants, insurgés du 9 septembre.

Sa libération, la Corse la doit enfin au concours des forces françaises libres, membres du 1er Bataillon de Choc et tirailleurs, spahis et goumiers marocains.

Après avoir supporté les pénuries, la répression, les humiliations…, les habitants de l'île se soulevèrent pour rendre la Corse à la liberté au prix de plus de 200 morts et 600 blessés parmi les civils, plus de 170 morts chez les résistants et près de 80 militaires venus d'Afrique du Nord.

Mais, à l'heure de la réconciliation, je n'oublie pas non plus que, face à eux, un millier d'Allemands tombèrent.

Le 8 septembre 1943, la diffusion de la nouvelle de l'armistice italien déclenche l'insurrection des patriotes à Ajaccio. Dans la nuit du 8 au 9 septembre, Maurice Choury rédige l'ordre d'insurrection : « Patriotes de Corse, aux armes contre Hitler ! Soldats italiens avec nous contre l'ennemi de l'Europe ! ».

Je n’oublie pas non plus donc, ces 637 soldats italiens, qui payèrent de leur vie le fait d’avoir enfin rejoint le camp de la liberté !

Le 9 septembre, il y a 70 ans jour pour jour, ce même Maurice Choury annonçait le ralliement de la Corse à la France libre depuis le toit d'une ambulance municipale récupérée par les résistants et munie d'un haut-parleur.

Il y a 70 ans jour pour jour, ce haut-parleur portait haut et à travers toute la ville, puis à travers toute l'île, la voix de Maurice Choury, la voix de la Libération.

Quelques jours plus tard, dans la nuit du 12 au 13 septembre, le Casabianca débarquait les 109 premiers hommes du Bataillon de choc, parmi lesquels vous étiez, M. Roger Pichoir, rejoints plus tard par les troupes marocaines de la France libre. La Corse sera libérée essentiellement par des forces françaises.

Ces forces, ce sont aussi celles des Patriotes des combats de l'Alta Rocca qui livrèrent une semaine de combats héroïques face à plusieurs colonnes SS.

Ces forces, ce sont celles du village de Lévie et des alentours qui lui valurent l'attribution de la Croix de Guerre 1939-1945.

Permettez-moi de vous lire une seule phrase de la citation à l'ordre de l'armée du village de Lévie : « Il a donné un magnifique exemple de patriotisme et a prouvé l'indomptable ténacité de la race corse ».

Depuis ce matin, j'emprunte les chemins de la mémoire de votre ville. Je découvre la résistance corse à travers ses lieux, ses combattants, ses acteurs et ses témoins.

Depuis ce matin, je mesure ce que fut la libération corse pour les Corses et ce qu'elle fut pour la France entière.

Recueilli devant la tombe de Fred Scamaroni, je pensais à ce modèle de courage, d'esprit de sacrifice, et rendais hommage à travers lui à tous ceux qui refusèrent la soumission, à tous les résistants, connus et anonymes, à tous les insurgés, à tous les combattants, civils et militaires. Et je remercie aujourd'hui M. Charles Grisoni, M. Joseph Santini, Mme Jacqueline Arii- Wroblewski, M. Roger Pichoir et M. Joseph Santini qui nous font l'honneur de leur présence.

Accompagné par les enfants du collège des Padules et en présence de la fille de Maurice Choury et nièce de Danielle Casanova, je découvrais le parcours exceptionnel de ces deux figures, héros de la résistance et celui du Front national corse.

Avec vous tous ici, je dévoilais ensuite, à l'instant, la stèle « Charles de Gaulle » qui rebaptise ce lieu du nom de celui qui, au nom de la France libre, vint rendre hommage le 8 octobre 1943 aux héros de la Libération de la Corse.

La résistance corse est riche de sa diversité.

L’année 2013 est celle de l’hommage à la Résistance intérieure, aux femmes et aux hommes qui ont œuvré à la Libération à travers tout le territoire. Mesdames et Messieurs les anciens résistants, votre présence enrichit notre mémoire. J'en suis honoré.

Permettez-moi de m'adresser à vous : vous êtes les héros de la Corse et les héros de la Nation. Refusant la soumission, l'humiliation, la répression, vous vous êtes insurgés, vous avez résisté, au péril de votre vie, et avec parfois pour seules armes vos valeurs, celles de la France, votre cœur et votre humanisme.

Quelques jours après la libération de la Corse, le Général de Gaulle foulait le sol de l'île et prononçait sur cette même place où nous nous trouvons aujourd'hui ces quelques mots : « La Corse a la fortune et l’honneur d’être le premier morceau libéré de la France. Ce qu’elle fait éclater de ses sentiments et de sa volonté, à la lumière de sa libération, démontre ce que sont les sentiments et la volonté de la nation toute entière. (…) Les patriotes corses groupés dans le Front National auraient pu attendre que la victoire des armes réglât heureusement leur destin. Mais ils voulaient eux-mêmes êtres des vainqueurs. »

Vous avez été les acteurs de la libération corse, vous avez été les acteurs de la libération de la France.

Vous le savez, nous entrons dans un cycle commémoratif exceptionnel. Le Président de la République a souhaité que ce cycle de libération du territoire soit inauguré ici même, en Corse.

C'est pourquoi le Président de la République viendra en Corse, le 4 octobre, rendre hommage aux combattants corses et à leurs frères d’armes de métropole et d’Afrique du Nord. Il le fera en présence des plus hautes autorités marocaines et démontrera ainsi son attachement profond à cette île. J'ai rencontré aujourd'hui un grand nombre d'acteurs et de témoins de l'histoire corse, de votre histoire, de notre histoire nationale. J'ai vu l'enthousiasme et l'admiration des jeunes collégiens face à leurs anciens, face aux résistants.

Le devoir de mémoire s'accompagne aujourd'hui d'un devoir de transmission. Et je salue ici l'engagement et l'investissement des acteurs locaux, politiques, éducatifs, culturels et mémoriels qui ont pris l'initiative d'organiser des moments d'échanges avec les scolaires. Les expositions réalisées dans le cadre de ce devoir de transmission nous confrontent à la réalité de l'Occupation et à celle d'une Résistance héroïque. Ces moments d'échange et de transmission sont d'autant plus importants, uniques et émouvants que nous visitons ces expositions en présence des acteurs de l'histoire qu'elles nous racontent.

Et je salue ici le travail réalisé par tous les enseignants et, naturellement, les travaux réalisés par les scolaires. Je me félicite de l'enthousiasme suscité en Corse pour participer au Concours national de la Résistance et de la Déportation.

Il est important que les plus jeunes s'approprient l'histoire de leurs aïeuls et s'approprient leurs valeurs de courage et de fraternité.

Parce que les acteurs de cette histoire, de notre Histoire, sont aujourd’hui les acteurs de notre mémoire collective.

Parce que les Résistants sont aujourd'hui nos derniers témoins, ces commémorations sont un moment unique de rassemblement, de partage et de transmission.

Pour que les plus jeunes d’entre nous tirent les enseignements de la Résistance. Pour que les plus jeunes d’entre nous s’approprient pleinement ces valeurs défendues par leurs pères, par leurs grands-pères, des valeurs qui fondent notre Nation : liberté, égalité, fraternité.

Pour que les plus jeunes d’entre nous sachent que la France est plus forte lorsqu’elle est rassemblée. La Libération de la Corse, qui a vu combattre main dans la main les résistants corses, les membres du 1er Bataillon de Choc et les soldats de la France libre, en témoigne. Pour que les plus jeunes d’entre nous regardent leur avenir avec confiance.

Vive la République !
Vive la Corse !
Vive la France !