Discours du président Hollande à Ajaccio

Discours de M. François Hollande, Président de la République Française, à la mairie d'Ajaccio, le 4 octobre 2013

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Monsieur le maire, cher Simon RENUCCI,

Ce n’est pas la première fois que vous m’accueillez ici dans votre Hôtel de ville. Je salue l’ensemble du Conseil municipal. Mais c’est la première, comme président de la République, à l’occasion d’une cérémonie qui rassemble les Corses au-delà de toutes les sensibilités, les différences et qui rassemble aussi l’ensemble des Français qui savent que la libération de la Nation a commencé ici à Ajaccio.

Cette cérémonie, qui commence, évoque des moments douloureux et glorieux.

Je tiens à rendre hommage aux paroles fortes que vous avez prononcées. Elles sont celles de l’émotion car ce que vous exprimez à l’instant vient du plus profond de vous-même et sans doute pensiez-vous en cet instant à votre père, cher Simon, qui fut à la tête des réseaux Combat ici en Corse.

J’évoque en cet instant aussi tous ces combattants de l’ombre qui cherchaient la seule lumière qui vaille : la liberté. Tous ces valeureux qui étaient réunis par le résistant Maurice CHOURY pour préparer le soulèvement d’Ajaccio.

Je viens d’effectuer un court parcours de la Citadelle où furent torturés Fred SCAMARONI et d’autres résistants qui furent achevés à Bastia.

De la citadelle jusqu’ici, cet Hôtel de ville, avec la devise de la République, tout rappelle le soulèvement de la Corse. Car c’est d’ici que tout est parti, que la Résistance s’est organisée, que l’insurrection s’est produite le 8 septembre 1943.

Le contrôle de la ville est acquis dès le 9 septembre. Le port et les voies aériennes constituent à ce moment-là les têtes de pont à partir desquelles l’île sera entièrement reconquise.

Ajaccio est donc la première ville de France métropolitaine à avoir pu entendre la Marseillaise, la première préfecture libérée. C’est donc ici, d’Ajaccio, le 9 septembre 1943, que commence l’histoire de la Libération de la France.

Le prix à payer fut immense. J’ai évoqué Fred SCAMARONI, mais combien de camarades de courage et d’infortune ont subi les pires tortures. Combien les patriotes corses furent nombreux à se dévouer pour la libération de leur île, puis du pays tout entier. Tout à l’heure je parlerai des Forces Françaises Libres qui sont venues ici pour porter les premiers combats, j’évoquerai les Goumiers, les Marocains, venus donc d’horizons différents, j’évoquerai tous ceux qui s’étaient rassemblés dans la Résistance avec une seule cause : chasser les occupants fascistes et nazis.

Comme vous l’avez justement souligné, Monsieur le Maire, ce passé que nous célébrons, cette histoire que nous commémorons, ils nous obligent. Ils nous obligent face au retour de la xénophobie et de l’intolérance. Ils nous obligent face aux violences et à la criminalité organisée. Ils nous obligent aussi face à l’urgence, à la nécessité du développement de la Corse et à la préparation de l’avenir.

Monsieur le Maire j’ai entendu votre message. A l’instant j’étais avec les parlementaires de la Corse, les présidents d’exécutifs et nous évoquions le dialogue républicain qui est souhaité pour que nous cherchions ensemble, de bonne foi, les voies et les moyens de mieux tenir compte de la spécificité de votre île.

Le Gouvernement y répondra en recevant prochainement les élus de Corse dans le cadre de la République pour laquelle nous avons ici le même attachement.

La Corse souffre depuis trop longtemps de l’image de ces assassinats, de ces meurtres crapuleux. Cette réalité existe et il serait vain de pouvoir ici la nier, y compris en ce jour de cérémonie. Mais, en même temps, elle ne doit pas occulter une autre réalité. La Corse se développe, la Corse investit, la Corse innove, la Corse avance. Vous en faites ici la démonstration.

Une autre réalité, c’est que vous êtes capables, au-delà de vos différences que je connais, de vous réunir, de vous rassembler sur l’essentiel. S’il s’agit de permettre le développement de l’île et d’avoir les conditions pour y parvenir.

Cette Corse qui avance, cette Corse qui investit, c’est aussi ce que vous faites, Monsieur le Maire, ici à Ajaccio, à la tête de votre commune et de votre agglomération depuis douze ans.

La ville a changé tout en restant elle-même. Vous avez réussi, comme la Corse d’ailleurs, à accueillir une population plus nombreuse. Vous portez des projets, comme la Corse. Je tiens à vous assurer du soutien de l’Etat. Comme je l’ai dit d’ailleurs au Président de la collectivité territoriale corse.

Le PUI est en cours d’exécution. J’en ai confirmé l’ampleur. Il devra se traduire dans tous les projets que les élus porteront aussi bien pour l’investissement que pour le développement économique, que pour les universités, que pour la recherche.

Montrer que la Corse est capable, elle, de réussir mieux que d’autres territoires dans la République.

L’Etat a été saisi d’une demande particulière venant de la commune d’Ajaccio.

La Citadelle ! Un édifice de martyrs, je l’évoquais, un édifice aussi qui a joué un rôle dans l’essor de votre cité depuis le XVème siècle. 45 000m2 de bâti portés sur l’eau. Il s’agit d’un joyau. Vous en êtes fiers et vous souhaitez qu’il vous soit restitué par le ministre de la Défense, c’est-à-dire par l’Etat. Vous demandez que ce soit dans les meilleures conditions, c’est-à-dire si c’était possible gratuitement. De ce point de vue, vous n’êtes pas différents d’autres élus de France. Mais il y a des raisons qui justifient qu’il y ait un traitement particulier. L’Etat fera donc droit aux conditions financières qui seront précisées pour le transfert à la ville d’Ajaccio de la Citadelle, pour en faire un lieu où le patrimoine sera reconnu, où l’histoire sera rappelée mais aussi un lieu où il y aura de multiples usages, de multiples fonctions au service de la population.

L’Etat sera également attentif à la bonne marche du projet que vous appelez « Fond de baie » permettant de reconfigurer le port pour y attirer encore davantage d’activités de plaisance, pour séparer les activités fret et passagers et pour retrouver la continuité urbaine entre le port et la ville.

Enfin, Docteur, car vous l’êtes, et vous me le rappeliez si souvent lorsque nous étions à l’Assemblée nationale. Un peu plus, je croyais que vous aviez accouché ma mère. Mais, Docteur, vous l’êtes parce que c’est votre passion, votre dévouement. Vous êtes attaché à ce centre hospitalier qui doit voir le jour à l’horizon 2017. Vous attendez une décision de principe de l’Etat sur les investissements nécessaires à cette réalisation. Elle vous est acquise, Monsieur le Maire.

Le message qu’il me tenait à cœur de prononcer devant vous, élus de l’île, élus d’Ajaccio, amis de la Résistance au moment de ces cérémonies, le message, c’est celui de la fierté que vous devez avoir, que vous avez au cœur, fierté de votre histoire, de votre résistance, fierté aussi de votre ville, de votre île. Mais également conscience de vos devoirs parce qu’il n’y aura de développement de la Corse que si, tous ensemble, vous êtes capables de l’assurer. Vos devoirs, c’est de bien montrer à l’ensemble de la communauté nationale que vous y êtes prêts.

Le devoir, c’est de travailler ensemble, Etat et élus de la Corse.

Travailler ensemble pour chercher, je le disais, les voies et moyens de pouvoir traduire, ici, vos volontés dans le cadre de la République.

Enfin, mon dernier message, c’est celui de la confiance, confiance dans l’avenir de la Corse.

Celui aussi de la solidarité.

L’Etat sera à vos côtés parce que les Corses ont été aux côtés de la Nation pour en assurer la libération.

Merci