Monsieur Paul Conte, responsable des PTT

Extraits décryptés à partir de la pièce d'archive : « compte-rendu du responsable des PTT à Ajaccio »

Le 8 septembre :

(page 4) "Enfin, coup de tonnerre, le 8 septembre 1943 au soir, la nouvelle de la réddition aux Alliés des troupes italiennes, sans conditions, éveille à travers l'île un enthousiasme délirant. Les troupes italiennes immédiatement se terrent. (…) Le soir même (du 8 septembre) les frères Carli m'annoncent le déclenchement du soulevement pour le 9 septembre au matin. J'ai bien quelques objections à présenter (...) Et pourtant ce mouvement, commencé dans un moment d'allegresse et normalement destiné à échouer, réussira splendidement. Longtemps encore les Américains, stupéfiés de notre chance, nous diront :" Les Français commettent toujours des folies et les réussissent ! " 

Le 9 septembre :

(page 5) « A la poste , dans mon bureau, rassemblement général. Distribution des armes. Carli rejoint ensuite la préfecture, où tout c'est bien passé. Le nouveau préfet , Monsieur Pelletier a cédé son siège sans difficulté. (…) Notre tache à nous va se préciser, en accord avec le personnel des PTT, unitaire pour le soulevement. (…) Dans la nuit la situation a déjà évolué. Nombreuses sont les troupes italiennes qui ont offert leur sympathie. Certaines, dont il faudra peut-être se méfier, offrant de collaborer. Les plus nombreuses se retirent dans les montagnes. L'ordre venu des chefs du mouvement, à la préfecture, est de les neutraliser et de les surveiller sans brutalité.»

(Page 6 ) « Les patriotes armés, très peu nombreux, sont en route pour leurs positions assignées. Parmi eux quelques chefs militaires. Mais les têtes du mouvement à la préfecture possèdent surtout des aptitudes politiques. (…)  Un casque téléphonique avec microphone de poitrine est branché sur ma table. S'y trouvent  également une carte Michelin assez bien renseignée et la carte du réseau téléphonique de la Corse. L'un de nous s'y tiendra en permanence jours et nuits et disposera tout le réseau téléphonique pour renseigner la carte et tenir à jour la situation. Trace écrite sera gardée de tous les renseignements obtenus, portés instantanement à la connaissance  d'abord de Monsieur Choury, chef et conseiller du mouvement qui vient de se déclencher, ensuite à tous les chefs responsables".

(page 7) "Tous les renseignements sont immédiatement portés à la connaissance des chefs patriotes. Parmi eux, Maurice Choury, jeune et ardent, est particulièrement doué pour comprendre les problèmes militaires et prendre les décisions qui s'imposent ».

(Page 8 ) Présentation de la situation géographique et militaire exposant les voies éventuelles de pénétration - routes, défilés ...etc    "

« Dans leurs essais d'occupation des montagnes à partir de la plaine orientale, les Allemands tenteront successivement et vainement de forcer la plupart de ces passages, toujours repoussés par le feu des patriotes et arrêtés par les obstacles qui leur seront opposés avec l'aide des explosifs de l'armée italienne. L'artillerie italienne sera également efficace ».

(page 9) "Dès le 9 septembre, Bonifaccio pousse un cri d'alarme. Occupée par les Allemands, ils voient ceux ci débarquer en force  le matériel lourd, chars et canons  des deux divisions de Sardaigne. La menace est particulièrement grave, les Alliés ne pourront nous envoyerde matériel lourd. Nous ne pourrons compter que sur la défense naturelle des défilés montagneux, à condition que que les Allemands ne débarquent pas en un autre point.

A Ajaccio, la défense s'organise. A la préfecture, Monsieur Choury rassemble tous les éléments dont découleront les ordres à transmettre. C'est à lui que j'envoie minute par minute les renseignements de toutes sortes qui me parviennent au téléphonne de tous les points de la Corse, bon grain et ivraie mélangé. Il est venu plusieurs fois de nuit me rendre visite, puisque je suis au centre de la toile d'araignée téléphonique. Nous avons essayé de dégager les intentions allemandes et italiennes. Les patriotes gardent près d'Ajaccio les camps d'aviation  de Campo del Oro et Aspretto. Les groupes de combat se rendent  en montagne dans toute l'île"

Les 11 et 12 septembre

(pages 10 )  Le 11 septembre « Monsieur Choury et Carli me parlent journellement des appels en clair que notre TSF lance vers Alger, appelant une aide Alliée. Mais un débarquement ne se prépare pas instantanement. Les Alliés sont accrochés sérieusement. Les débarquements en Italie sont durs. Rien n'est prévu pour la Corse.

Cependant dans la journée du 12, un premier secours nous est annoncé? Un secours français. Un sous marin fait route vers la Corse, le Casabianca. (…)

Le port. Tout Ajaccio est là. La longue silhouette noire apparaît. « Vive la France, Vive de Gaulle! » La population ne se retient plus, une fusillade générale éclate. (…) Il est presque minuit et devant nous s'allonge la silhouette du Casabianca, amenant les premiers soldats français sur le sol français »

(page 11) «  le capitaine Manjot se présente à mon bureau, accompagné de Monsieur Choury et de Carli qui a proposé mon service comme PC au capitaine. (…) Le capitaine se jette immédiatement sur les cartes. Monsieur Choury a la sienne copieusement annotée. La mienne porte trace des dernières nouvelles. La conversation technique s'engage, tandis que dans les couloirs les hommes du commando apportent en silence des caissettes, des toiles de tente, tout un matériel complexe et soigneusement emballé, tous les explosifs et les armes que la technique moderne peut remettre aux cents premiers Français lancés en avant au secours de la mère patrie.

La mission du capitaine comprenait au départ : « Débarquez au mieux le plus près possible d'Ajaccio, dans le golfe de Lava, par exemple. S'emparer d'Ajaccio par surprise. Y organiser une tête de pont et tenir surtout le camp d'aviation de Campo del Oro »

Au lieu de cela la compagnie a pu débarquer en plein port, la ville vidée de tous les Italiens, occupée par les patriotes en armes et, à son arrivée, le capitaine trouve des cartes tenues à jour et des renseignements exploitables pour presque toute l'île, dont bien des points sont déjà défendus par des Corses armés ».