L'art et la Shoah

La "Solution finale" était le nom de code nazi pour la destruction délibérée, programmée, des Juifs d'Europe

"C’est avec l’art que des victimes de cette catastrophe ont pu extérioriser et exprimer leur douleur, leur souffrance, pour pouvoir continuer à vivre. Mais c’est également avec l’art que des témoignages ont été possibles, c’est en partie « grâce » à l’art que l’on a pu prouver l’horreur qui a été faite durant la Seconde Guerre Mondiale. L’art joue alors un rôle dans ce qu’on appelle le « devoir de mémoire », c’est avec des tableaux, des dessins, des films etc. que l’on peut continuer à se souvenir et raconter, pour que dans l’avenir cela ne se reproduise plus jamais." Marylène BOUCHER, Laetitia BRUNET, Maxime PAIRAULT, 2009

 

Rescapé du génocide, Isaac Celnikier, issu d'une famille juive de Varsovie, déporté à Auschwitz, retrouvé seul survivant de son wagon.

 

l'homme à l'étoile 1946Isaac Celnikier L'homme à l'étoile

 

A voir  : Croquis réalisés dans les ghettos et les camps

http://www.lycee-jeanmace.fr/Projets/pologne/ch06/03/01/
Quelques rescapés ont produit des esquisses, des dessins, des peintures… pour rendre compte de ce qu’ils avaient vécu. Rares sont ceux qui ont pu trouver de quoi dessiner à l’intérieur des camps. C’est pourquoi la plupart des témoignages furent réalisés quelques années après la guerre. 

 

Education : La Shoah à travers l'émotion picturale

 

Lire la suite : http://xt1y.mj.am/nl/xt1y/squsu.html?a=ewT5EM&b=644b3f73&c=xt1y&d=5e796756&e=faee05d9&email=isaline.amalric63%40orange.fr

 

L'art et la Shoah

http://shoah-solutionfinale.fr/artshoah.htm

 

Shoah : David Olère

     

La "Solution finale" était le nom de code nazi pour la destruction délibérée, programmée, des Juifs d'Europe

 

L' ART ET LA SHOAH

Selon les rescapés de la Solution finale, aucun art, quel qu'il soit, ne saurait conceptualiser la Shoah. R.B.Kitaj, qui construit ses tableaux autour d'une imagerie dense puisée dans la Shoah, partage cet avis, et postule que l'artiste qui se mesure à  ce thème se doit d'avoir un rôle à la fois perturbateur et allusif : "Ce qui est certain, c'est qu'on ne peut qu'aborder  l'ombre (de ce drame) ..."

L' art des camps et de la clandestinité

Dans les camps comme dans la clandestinité, aussi bien des artistes que des enfants sans aucune formation artistique ont créé un ensemble de réactions visuelles qui constituent un mémorial imagé de leur vécu concentrationnaire, des tragédies quotidiennes que la photographie n'a pas fixées sur la pellicule.

Organ Grinder 1943. Félix  Nussbaum

Une histoire détaillée de la Shoah peut se reconstituer à partir de l'art issu des camps. Bedrich fritta, Otto Ungar et Freid Brandeis-Dicker ont dépeint l'univers de Terezin, d'une irréalité presque cinématographique. Les dessins de Leo Haas retracent un combat quotidien pour la vie à Nisko, tandis que Roman Kramztyk, Halida Olomucki et Maurcy Bromberg ont fixé sur papier l'existence fragile des habitants du ghetto de Varsovie. [Sur ces artistes et d'autres encore, voir Blatter, Janet et milton, Sybil (1981), Art of the Museum, New-York, Routledge ; et Constanza, Mary (1982), The Living Museum, New-York, Free Press.] Félix Nussbaum, qui fut déporté par le dernier train quittant la Belgique pour Auschwitz, a laissé un puissant témoignage visuel des persécutions qu'il endura. Son oeuvre est préservée à Osnabrück dans un musée qui lui est consacré.

Autoportrait au passeport juif. Félix Nussbaun.

Parmi les artistes les plus prolifiques de la Shoah figure Charlotte Salomon qui peignit 765 tableaux à l'âge de vingt-cinq ans, en 1941-1942, années qu'elle vécut dans la clandestinité. Intitulée Vie ou théâtre ?, la série se veut une affirmation de l'optimisme contre le pessimisme induit par la réalité. [Pour l'édition la plus complète de ses gouaches, voir Salomon, Charlotte (1981), Life or theatre ?, New-York, Viking Press. Voir aussi la biographie de Salomon par Felstiner, Mary (1994)]

   

 Charlotte Salomon, 30.1.1933. The day of "Machtübernahme",  1941

L'art des témoins

Témoins de la Shoah, de nombreux artistes ont tenté de fixer cette expérience sur leurs toiles tout en cherchant à alerter l'opinion publique. La Crucifixion blanche de Marc Chagall, peinte en 1938, après la nuit de cristal, a valeur d'icône parmi les nombreux tableaux qui dépeignent la souffrance juive d'avant-guerre. Chagall utilisa le thème d'un Jésus "juif" crucifié, sur fond de vignettes évoquant les persécutions des Juifs par les nazis. Pendant la Seconde Guerre mondiale, tandis que des informations parvenaient d'Europe centrale sur le martyre des juifs, Chagall continua de peindre des scènes de crucifixion, où la vision de Jésus, le messie juif, se fond avec celle du juif contemporain persécuté.

 La Crucifixion blanche de Marc Chagall, peinte en 1938

D'autres artistes de cette époque nous ont livré leur commentaire visuel de la Shoah. Paquebot d'émigrés (1931-1941) et Camp de concentration (1945), de Lzar Segall, sont des témoignages imposants du drame des réfugiés d'avant-guerre et des conséquences de cette crise. Yankel Adler peignit des oeuvres figuratives et des paysages qui retraçaient le dépeçage de la vie et de la culture juives. Ben Shahn  créa des oeuvres vigoureuses telles que la célèbre affiche qui évoquait la destruction de Lidice (Brutalité nazie, 1942), ainsi que des tableaux plus sobres, tel que Garçon (1944), Faim (1946), Chérubins et Enfants (1944) Paysage italien II (1944) et Martyrologie (1962).

Ben Shahn. Brutalité nazie, 1942

Rico LeBrun, l'un des noms de l'art abstrait d'après-guerre, qui  n'était pas juif, soutenait que "la Shoah est un sujet qu'aucun artiste sérieux ne saurait ignorer". Le peintre américain Leonard Baskin, collègue et ami de LeBrun, décrit son approche comme une confrontation "avec les réalités mentalement insensées des expériences humaines les moins humaines ; à travers ses tableaux et ses dessins de dissolution, de démembrement et d'incinération, il nous dit que tout n'est pas vanité, tout est horreur". Baskin est lui-même l'auteur d'oeuvres qui traitent indirectement, mais limpidement de la Shoah.

L'art des survivants

De nombreux survivants ont choisi d'exprimer leurs souvenirs de la Shoah par des arts visuels, Zoran Music, Samuel Bak, Hannelore Baron, Marek Oberlander, Janusz Stern, Isaac Celnikier, Alice Cahana et Walter Spitzer sont connus pour leurs tableaux inspirés de la Shoah, dont le seul art "authentique" serait un art de rescapés, un art qu'ils lèguent à la postérité. Jozef Szajna, survivant d'Auschwitz et de Buchenwald devenu un célèbre artiste et metteur en scène dans la Pologne d'après-guerre, insiste sur le fait que seuls ceux qui ont vécu la Shoah dans leur chair peuvent l'exprimer par l'art. Ces artistes-là ont connu toute l'horreur de la peur, ils ont connu les ghettos et les camps de la mort. L'esthétique est également présente, et c'est de cette tension entre le travail de mémoire et de témoignage et celui de l'approche purement artistique d'un sujet que naît leur art.

L'art des enfants de survivants

The entrance where the audience writes their comments on the walls.
© Copyright Marton 1988

Pour la  seconde génération, l'art a permis d'aborder les question de mémoire, d'absence, de présence, d'identité. La remémoration d'un événement si marquant pour leurs parents s'effectue dans une recherche artistique multiforme : peinture, photo, vidéo, installations, bande dessinée. Joyce Lyon, Pier Marton, Art Speigelmann, Deborah Teichholz, Haim Maor, Wendy Joy Kuppermann  et Mindy Weisel sont quelques-uns des noms les plus connus de cette deuxième génération.

L'art contemporain

La Shoah a aussi été abordée par des artistes moins directement concernés. Leur art n'est pas celui de la "mémoire", puisqu'ils n'ont pas vécu l'événement. C'est un art d'interprétation (provoquée par un sentiment de vulnérabilité en tant qu'artiste ou que Juif), d'évocation historique, de méditation sur les lieux, sur l'absence et la présence, ou plus simplement un art qui répond au désir d'aborder un thème que l'on sait être insondable.

Léon Golub, Mauricio Lasansky, Larry Rivers, Audrey Flack, Jerome Witkin, Arnold Trachtman, Judy Chicago, Robert Morris, Pearl Hirschfield, Jeffrey Wollin, Susan Erony, Robert Barancik, Marlene Miller et Shirley Samberg sont autant d'artistes américains qui ont plongé dans la Shoah avec plus ou moins de bonheur. Parmi les artistes européens dont l'oeuvre intègre une thématique puisée dans la Solution finale et la mémoire, citons Anselm Kiefer, Boltanski, et Magdanela Abakanowicz.

"Personnes ". Christian Boltanski.

En Israël, la Shoah a surtout inspiré les survivants et la deuxième génération dont les oeuvres s'exposent le plus souvent dans des lieux de mémoire comme Yad Vashem ou le musée de la Shoah (Lochamei Hagetaot), où le contexte met l'accent sur la thématique au dépens des considérations artistiques.

Depuis 1933, plusieurs expositions ont été consacrées à l'art de la Shoah : Burnt Whole (entièrement consumé), au Washington Project fort the Arts en 1994 ; After Auschwitz (Après Auschwitz), au Royal Festival Hall et à l'Imperial War Museum de Londres en 1994-1995 ; Witness and Legacy : Contemporary Art About the Holocaust (Témoin et héritage : l'art contemporain et la Shoah), au Museum of American Art de Minnesota ; et Where is Abel, Thy brother ?  (Ou est Abel, ton frère ? ), à la Galerie Zacheta d'art contemporain de Varsovie en 1996.

Source : Stephen C. Feinstein. Le livre noir de l'humanité. Encyclopédie mondiale des génocides. Editions Privat.

Paris, février 1993

J'ai fui Varsovie en novembre 1939.

L'occupation allemande était là depuis deux mois. L'horreur aussi.

Bourgades et villages juifs brûlaient. A Otvock ils fusillèrent 50 otages (dont l'écrivain Urke-Nachalnik) en les obligeant à manger leurs cheveux. Le chaos organisé dans le sang et le feu commença. Je fuis avec ma mère et ma soeur vers Bialystok.

Avant de quitter Varsovie, fin octobre 1939, je revis Janusz Korczak.

Il n'approuvait pas nos départs. Il fallait, selon lui, rester sur place. Il croyait encore à la civilisation allemande. Je ne sais pas s'il avait imaginé un instant que lui, ce Freud de la psychologie enfantine, ce grand pédiatre analyste et écrivain, ce symbole du Père juif inconnu, ramasserait de ses propres mains, dans l'enfer du ghetto de Varsovie, des centaines d'enfants agonisants pour finalement aboutir avec son orphelinat dans les fours de Treblinka.
La plupart de mes gravures et toiles évoquent certaines réalités très précises de ma vie. Le langage muet du trait, s'il peut transcender le vécu réel, demande parfois à être accompagné de la parole, non pour expliquer l'oeuvre, mais pour essayer de cerner une réalité qui nous paraîtra toujours inexplicable, car là où il y a préméditation de génocide, il y a nécessairement destruction des traces et des preuves. Lorsqu'il s'agit de l'assassinat de notre peuple par un ennemi dont les seules vocations et pulsions vitales sont de donner la mort - même les preuves les plus tangibles sont systématiquement détruites.

Mes adieux à Janusz Korczak

Comment avouer que, pour rendre l'univers criminel -c'est de cela précisément qu'il s'agissait- il fallait commencer par tuer l'une des sources de la prise de conscience de l'homme éthique : le Juif.

Bialystok, où je me réfugiai fin 1939, tomba le 28 juin 1941, dès l'offensive allemande contre l'U.R.S.S. Le jour même, environ 1.000 juifs furent brûlés vifs dans la synagogue. Je me terrais à une centaine de mètres de là.

En août 1941 fût formé le ghetto, avec les premiers déportés - «du samedi» et du «jeudi»- dont la plupart étaient des intellectuels juifs. En février l943, lors de la «Première Action», furent déportés environ 15.000 juifs. Des centaines se suicidèrent sur place. L' Action de février 1943 coïncida avec la défaite allemande à Stalingrad.

Mon évasion avec ma mère, ma soeur et Gina. Dispersion. Retour le 23 février pour retrouver vivantes ma mère et ma soeur. Au ghetto, Itskhak Melamed vitriola un Allemand qui en tua un autre. Les Allemands prirent 100 otages. Melamed se rendit volontairement pour les épargner. Il fût pendu et eux, fusillés.


Gina Frydman

En août 1943, déportation et massacre définitifs du ghetto de Bialystok, -environ 60.000 à 80.000 hommes, femmes et enfants, soit l'équivalent de la déflagration d'Hiroshima- furent tués.
Les mécanismes de mise à mort allemands sont connus. Seule la descendance dépravée du nazisme peut encore vouloir replonger les nouvelles générations d'abord dans le mensonge, puis dans le crime. Et cela concerne, somme toute, l'humanité entière.

Birkenau (Auschwitz II).


Triptyque Birkenau, Femmes et enfants, 1992

 

A voir :

Après l'exposition "A path to remembrance" présentée lors de la session de janvier de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe pour le 70eme anniversaire de la libération des camps et pour la journée européenne de la mémoire de l'Holocauste du 27 janvier 2015, venez découvrir la nouvelle exposition:

genocide juif exposition

 

Programme détaillé du 31 janvier-1 février 2015