Le résistant
Lorsqu’Hitler arrive au pouvoir en 1933, Maurice Choury adhère au Parti Communiste. Il a 21 ans. Mettant sa plume au service de son idéal, il devient en 1934 rédacteur en chef de l’ Avant-Garde.
Mobilisé en 1939, il est envoyé sur le front en Alsace et en Lorraine où il est fait prisonnier. Libéré au titre du corps sanitaire, il entre dans la résistance à Paris, aux côtés de Danielle Casanova en 1940, puis rejoint la résistance à Marseille en 1941.
En 1942, il gagne la Corse, sa terre d’adoption depuis son mariage avec Emma Perini, dont la sœur Vincentella a pris le nom de Danielle Casanova. Il dirige le secteur d’Ajaccio du Parti Communiste quand, en Avril 1943, Henri Maillot lui demande de prendre en main la réorganisation du Comité d’Arrondissement du Front National : Le Front national se réorganise en secret dans la Casinca, lors de la conférence tenue à la grotte de Porri de Casinca, le 5 mai 1943. On y adopte une structure pyramidale faite de petits groupes de cinq personnes. Maurice Choury, alias Annibal, devient membre du comité départemental et assume dès lors la responsabilité politique et militaire de la zone sud pour les arrondissements d'Ajaccio et de Sartène.
L'organisateur :
Son expérience politique et son sens de l'organisation contribuent à renforcer l'action clandestine des patriotes.
« Organisateur hors pair, Choury travaille avec Jean Nicoli, André Giusti, Henri Maillot, Paulin Colonna d’Istria, Pierre Griffi, « Bébé » Benielli, Jérôme Santarelli, Pierre Pagès, et naturellement Giovoni, sans compter d’autres camarades de combat, qui ont également beaucoup compté pour lui, tel le Sartenais Noël Galeazzi. ». Paul Silvani, avant propos de Tous bandits d'honneur
Le document, ci-dessus, rédigé par Maurice Choury (alias Annibal) nous permet d'apprécier comment il a conçu l'organisation du comité d'arrondissement d'Ajaccio : Des petits groupes de 4 ou 5 résistants, ne connaissant que leurs camarades et leurs supérieurs, chapeautés par des comités de cantons dépendant de l'autorité de comités d'arrondissement regroupés par le comité départemental.
Ce tract rédigé par Maurice Choury est un appel à la jeunesse après la fusillade du 17 juin 1943
Cette lettre témoigne des consignes données pour opérer le recrutement de résistants
Le militaire :
"Après l’arrestation de Jean Nicoli, un rôle très important lui est confié. Il devient le responsable à l’armement, détermine avec les hommes des réseaux disséminés dans les villages les terrains de parachutages d’armes, qui deviennent réguliers à partir de la fin juin 1943, et coordonne les transports par sous-marins. (...)
Il envoie des messages à Alger pour exprimer les besoins des patriotes : "Envoyez bombes à retardement, explosifs, bombes antichars, pistolets sur Perche, chaussures, vivres, brassards tricolores avec tête de Maure". Paul Silvani, avant propos de Tous bandits d'honneur
Dans le document ci-dessous, il organise les plans d'opérations par canton :
- matériel d'instruction et directives militaires;
- diffusion des messages d'alertes et d'attaques;
- consignes pour les radios
- organisation des parachutages. Il repère de nouveaux terrains et prévoit les messages codés.
Suivant la région, le terrain porte un nom de mammifère, d’oiseau, de poisson, de reptile ou de fruit correspondant au « message personnel » choisi et communiqué à Alger par Annibal
Sous sa direction, l’arrondissement comptera 21 terrains de parachutage et 1881 combattants instruits et armés. Les coordonnées, établies d'après la carte routière Michelin 1938, sont transmises à Alger par radio ainsi que l'indication du repère naturel le plus proche.
Il envoie des messages à Alger pour exprimer les besoins des patriotes : « Envoyez bombes à retardement, explosifs, bombes antichars, pistolets sur Perche, chaussures, vivres, brassards tricolores avec tête de Maure"
L'homme de plume :
Au début de l'occupation, tracts et papillons sont manuscrits ou tapés à la machine par des patriotes, employés dans les administrations publiques et les bureaux d'entreprises privées. Bien vite, ces procédés deviennent insuffisants. Le Front National met à contribution l'appareil d'impression du Parti communiste
En juin 1943, le Front national dispose d'une imprimerie clandestine dans chacun des quatre arrondissements.
Maurice Choury participe à la récupération et à la répartition d'un important matériel qui permettra l'installation de quatre imprimeries qui serviront à l'impression de tracts, de circulaires et à l'édition ajaccienne du Patriote, dans lequel il rédige de nombreux articles incitant les Corses à rejoindre la résistance.
Le Pariote est un "Journal clandestin, imprimé recto-verso sur du papier de mauvaise qualité, bien diffusé par le Front national, il permet à la fois de dénoncer des politiques comme celle du STO, que d'appeler à la résistance les jeunes, les femmes, et les hommes capables de prendre les armes. Il corrige aussi les fausses nouvelles données sur les théâtres de guerre. Son principal animateur et rédacteur fut Maurice Choury." Musée de la résistance en ligne- AERI
C'est lui qui rédige la plupart des tracts, des proclamations et des lettres ouvertes qui font mieux connaître le sens du combat qui est engagé contre l'occupant.
« Choury, en accord avec l'union italienne clandestine, fait parvenir aux soldats des troupes d'occupation des tracts (...qui ) font référence à Garibaldi, réclament la paix, le pain, la liberté ». « La Corse à l'épreuve de la guerre , 1939-1943» le dernier livre sur ce sujet d'Hélène Chaubin
"Permettez-moi tout d'abord de vous remercier, M. le Préfet, de nous accueillir pour la remise des prix du Concours national de la Résistance et de la Déportation.(…) Cette année, le thème retenu était : « communiquer pour résister .(…) Communiquer pour résister, c'était publier un journal au péril de sa vie comme l'a fait Maurice Choury avec « Terre corse » et « Le Patriote » à qui l'exposition à laquelle j'ai assisté ce matin était en partie dédiée …" Cérémonie de remise des prix du Concours national de la Résistance et de la Déportation à la préfecture d'Ajaccio. Discours de M. Kader ARIF le 9 septembre 2013
Lorsque le 29 mai à Ajaccio, le cheminot Louis Frediani est abattu par une sentinelle de l'armée italienne. Maurice Choury en compagnie de Jean Nicoli prépare la riposte qui prend la forme le jour des obsèques d'un impressionnant cortège de deux mille personnes défilant derrière une couronne portant ces mots : « Le Front National à son regretté camarade. » C'est lui qui rédige et qui fait diffuser les lettres adressées en ces circonstances au maire collaborateur Dominique Paoli et au préfet vichyssois Halley pour les mettre devant leurs responsabilités.
Lettre au Maire
REPUBLIQUE FRANÇAISE
LIBERTÉ - EGALITÉ - FRATERNITÉ
Le Comité patriotique ajaccien du Front National a décidé à l'unanimité de décerner le nom de rue Louis Frediani à la partie de la rue Comte Baciocchi comprise entre le cours Napoléon et la mer.
Il attend du Conseil municipal, en exécution de cette décision, l'apposition de nouvelles plaques.
Par ailleurs, il estime que la municipalité se doit de verser à la veuve de notre malheureux camarade un secours immédiat de 5 000 francs et de considérer les deux orphelins comme pupilles de la commune.
Nous voulons croire que la municipalité tiendra à racheter son attitude passée en adoptant, à l'occasion de ce crime qui endeuille la cité, les décisions du Comité du Front National, expression de la volonté unanime des patriotes ajacciens
Le Comité patriotique ajaccien du Front National
Le maire Paoli, plutôt que de rallier le mouvement patriotique, demande au préfet l'ouverture d'une enquête de police contre les «agitateurs communistes», ce qui éclaire le caractère délibéré d'une trahison devenue manifeste lors de l'envoi d'un télégramme de félicitations à Mussolini à l'occasion de la prise d'Addis-Abeba.
Les patriotes ripostent par la publication de cette «lettre ouverte» au préfet:
REPUBLIQUE FRANÇAISE
LIBERTÉ - EGALITÉ - FRATERNITÉ.
A M. Paul Balley
Préfecture de la Corse.
Monsieur,
Notre service de renseignements nous informe qu'à la suite du décès de notre malheureux camarade Louis Frediani, chauffeur à la C.F.D., lâchement assassiné alors qu'il se rendait paisiblement à son travail muni d'un laissez-passer spécial, vous avez cru devoir ordonner une enquête de police pour découvrir le donateur de la couronne portant l'inscription: «Le Front National à son regretté camarade», qui fut vivement remarquée aux obsèques.
Afin de vous éviter des recherches inutiles, nous tenons à vous donner les précisions suivantes : Cette couronne a été offerte par le Front National. Il serait donc vain de chercher un responsable : qui dit F.N. dit, à Ajaccio, unanimité de la population dressée contre l'occupant pour demeurer française.
Rien ne saurait nous arrêter dans la tâche de Libération nationale que nous nous sommes fixée et tous les obstacles qui se dresseront sur notre route seront impitoyablement balayés.
La Libération approche, vous le savez mieux que quiconque étant, mieux que nous, à même de constater la fébrilité que manifestent les nombreuses personnalités civiles et militaires que vous côtoyez quotidiennement.
Au jour prochain de la libération, le peuple souverain jugera tous ceux qui auront détenu ne fût-ce qu’une parcelle du pouvoir de Vichy. Les autorités seront jugées non d’après leurs discours mais d’après leurs actes, non d’après leurs intentions mais d’après le résultat de leur comportement.
Dans la lutte pour la libération, notre patrie meurtrie a besoin du concours actif de tous ses enfants. Dans les rangs du Front National il y a place pour toutes les bonnes volontés, pour toutes les énergies.
Vive la Corse libre et française!
Le Comité patriotique ajaccien du Front National
Maurice Choury, durant cette période ne quitte guère Ajaccio où il agit dans la clandestinité.
Le stratège :
Convaincu, à partir de la chute de Mussolini en juillet 1943, qu'il est possible de libérer la Corse en amenant les troupes italiennes à un renversement d'alliances, il contribue à déplacer l’axe de lutte du Front National, jusqu’alors tourné contre les Italiens, vers les hitlériens, et à œuvrer au ralliement des soldats antifascistes italiens, qui constitueront un renfort appréciable lors des combats de la Libération.
«...celui qu'avec Colonna d'Istria nous appelions l'agent 13- Emile Caporossi- avait informé Choury qu'un colonel de chemises noires, Giani Cagnoni, était prêt à fournir à la résistance le plan complet du dispositif italien en Corse...» Propos d'Arthur Giovoni «...Et la Corse fut libérée » Paul Silvani.
Il persistera dans cette stratégie de diffusion de tracts, en dépit des critiques que lui adresse Henry Maillot, alias Lorraine, cousin du général de Gaulle. Le 5 août 1943, Arthur Giovoni, alias Luc, Henri Maillot, alias Lorraine et François Vittori, alias Remy, répondent à Maurice Choury qui avait préconisé fin juillet de déclencher l'insurrection sans attendre un débarquement allié.
Extrait de cette lettre :
« Lorraine est très mécontent du tract rédigé par toi et signé de l'Union Italienne. Il se déclare en complet désaccord avec ce tract.
Les autres membres du CD (Paul est absent) sont d'accord sur le principe du travail de sape dans l'armée Italienne mais … considèrent que les mots fraternisation, lutte coude à coude etc … ne peuvent que contrarier l'ensemble du FN et constituent après la campagne patriotique et chauvine antérieure un renversement de vapeur trop brutal. Ne pas oublier que l'Italie continue la lutte.
12°) Point de vue exact de Lorraine : le tract ''veillée d'armes'' est parfait; celui ''Alerte'' très bien, mais je ne suis pas d'accord sur tout ce que l'on peut écrire pour un rapprochement Franco Italien en se prévalant des mots Pain et Liberté. Pour l'instant nous sommes en guerre, on ne peut donc, nous Français et surtout Corses accepter qu'un comité antifasciste Italien soit installé en Corse, même s'il fait une propagande que l'on peut estimer favorable à nos intérêts, pour l'instant que ce comité se tienne coi; c'est déjà bien que l'on tolère son existence dans notre pays; nos comptes ne sont pas réglés avec les Italiens et quoi qu'ils fassent c'est la reddition sans condition que nous exigeons, pour ce faire il n'est nullement besoin de faire un travail de sape dans l'armée Italienne, sa valeur est assez connue pour que nous la réduisions par les armes ce qui est beaucoup plus en accord avec la haine des Corses et leur orgueil si toutefois ils ont encore ces deux qualités !
Quant à vouloir traiter avec eux, il faut tout de même se rappeler ce qu'ils nous ont fait! 1940 – à genoux canaille – le délire italien à la déclaration de guerre (ils étaient à ce moment 95% derrière Mussolini parce qu'ils étaient surs de la victoire et maintenant ils sont 95% contre lui parce qu'ils sont surs de la défaite) ils ont tué des nôtres, arrété Jean etc etc … , à mon avis et à celui de 80% des organisés, aucun contact n'est possible avec les Italiens, sauf à coup de pied quelque part et il est parfaitement inutile de faire de la propagande dans leur armée, parce qu'après il nous serait impossible d'avoir avec eux la conduite qu'il est de notre devoir de leur réserver, au cas où nous serions assez veules pour accepter des soi disant services (genre cette affaire de l'agent 13 avec le colonel Italien)
Il est extrèmement dangereux de croire que la chute de Mussolini va changer les esprits, c'est la vision de la perte de la guerre qui a changé l'esprit politique de ces salauds, ne tombons donc pas dans ce panneau et jusqu'à la paix : considérons qu'il n'y a que des Italiens c.a;d des ennemis. »
Lorraine
Luc
Remy