Corse matin
Corse hebdo semaine du 11 au 17 octobre 20013 page 15
Corse Matin dimanche 29 septembre 2013
Article paru L’Humanité le 10 septembre 1993
La levée en masse
« IL faut partout et sans délais engager le combat contre les Allemands, dresser des obstacles et embuscades contre eux, ouvrir le feu sur leurs véhicules, empêcher leurs déplacements, les exterminer par tous les moyens. (...) Debout la Corse pour la libération du joug allemand ! Vive la France ! Vive la Corse libre ! »
C’est à Maurice Choury (1), seul des cinq membres du comité départemental du Front national présent le soir du 8 septembre I943 à Ajaccio, qu’est revenue la responsabilité de rédiger, faire reproduire, transmettre et distribuer au plus vite cet appel aux armes. Un acte d’une telle importance n’était pas le fruit d’une décision personnelle. Celle-ci avait été arrêtée collectivement deux semaines plus tôt, le 26 août, par les cinq membres du comité départemental, au cours de ce qui devait être - mais ils l’ignoraient encore - leur dernière réunion clandestine. Ce jour-là, Arthur Giovoni, Colonna d’Istria, François Vittori, Maurice Choury et Henri Maillot, sentant possible une plus ou moins proche capitulation de l’Italie, avaient en effet décidé à l’unanimité que l’ordre d’insurrection serait lancé aussitôt qu’elle serait annoncée. Ce qui fut donc fait sans hésitation.
Avant même de rédiger l’appel aux armes et les textes consacrant la prise du pouvoir, avec les responsables du Front national d’Ajaccio, Maurice Choury avait organisé et participé au rassemblement de tous les groupes de combat de la ville et de sa proche région, bientôt rejoints devant la mairie par de nombreux manifestants. Ainsi, à 2O heures - moins de deux heures après l’annonce de la capitulation italienne -, près d’un millier de personnes défilaient sur le cours Napoléon. Entonnant « la Marseillaise », « l’Internationale » et des chants patriotiques, aux cris de « Laval au poteau ! A bas Pétain ! Morts aux hitlériens ! », le cortège balaya sur son passage des officiers fascistes qui menaçaient les premiers rangs de leurs pistolets. Bientôt, les portes de la préfecture furent enfoncées, une délégation rencontrale préfet qui se vit contraint d’« accepter le concours » du Front national « pour le maintien de l’ordre public » (2). Les dirigeants décidèrent alors d’appeler la population d’Ajaccio à une manifestation le lendemain matin. Maurice Choury l’annonça à la foule... La nuit fut mise à profit par les patriotes pour étendre l’insurrection à toute la Corse et assurer son succès.
Ce ne sera pas en vain. Le 9 septembre, la manifestation d’Ajaccio en témoigne par son ampleur et son issue : l’élection immédiate d’un nouveau conseil municipal par acclamations et la mise en place d’un « conseil de préfecture », composé des cinq dirigeant départementaux du Front national. A Bastia, les patriotes s’étaient emparés de la mairie et de la sous-préfecture avant même d’avoir reçu l’ordre d’attaque. A Sartène, il est donné pour le matin du 1O. Ces nouvelles parvenant dans les villages, dans toute l’île, ce fut la levée en masse. Ainsi, note Maurice Choury (2) : « Grâce à l’insurrection du 9 septembre, la Corse a été libérée avec un an d’avance sur l’horaire... »
(1) Maurice Choury, journaliste, fut notamment rédacteur en chef de «l’Avant-Garde» et de l’« Humanité Dimanche ». Ecrivain, on lui doit notamment plusieurs ouvrages consacrés à la Commune de Paris et un très beau « Bonjour, Monsieur Courbet ». Patriote, il parvint en 194O à rejoindre en Corse sa femme Emma, soeur de Danielle Casanova, et fut particulièrement actif au sein du Parti communiste clandestin et de la Résistance. Lieutenant-colonel FFI, commandeur de l’ordre républicain du Mérite civil et militaire, titulaire de la croix de guerre et de la médaille de la Résistance, Maurice Choury est décédé le 7 novembre 1969.
(2) Dans « la Résistance en Corse. Tous bandits d’honneur », par Maurice Choury, préface d’Arthur Giovoni. Editions sociales, et réédité par La Marge (120 francs), rue Emmanuel-Arène, Ajaccio. Signalons également, chez le même éditeur, « Et la Corse fut libérée... », par Paul Silvani (159 francs).
JEAN RABATE.